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Discrimination fondée sur le handicap.

Photo du rédacteur: Christian KénolChristian Kénol

Une contravention aux articles 10 et 12 de la Charte peut découler du refus de fournir des services à une personne pour un motif discriminatoire, mais peut également résulter du fait que ces services n’ont pas été offerts dans des conditions exemptes de discrimination[1], notamment lorsqu’une personne handicapée ne bénéficie pas de mesures d’accommodement raisonnable lui permettant de recevoir des services en toute égalité.


Les mesures d’accommodement raisonnable nécessaires à la pleine réalisation du droit à l’égalité font partie intégrante du droit à l’égalité[2]. Dès l’arrêt Andrews, la Cour suprême a expliqué que « le respect des différences, qui est l’essence d’une véritable égalité, exige souvent que des distinctions soient faites »[3]. La véritable égalité n’exige donc pas que tous soient traités de la même façon, mais implique plutôt une prise en compte des différences individuelles.


Une personne souffrant d’un handicap doit pouvoir bénéficier d’une manière égale d’un service offert à tous. La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Eldridge, reconnaît que l’obligation de prendre des mesures concrètes afin que les personnes handicapées bénéficient d’une manière égale des services offerts à la population en général « est subordonnée au principe des accommodements raisonnables »[4].


Dans l’arrêt Via Rail[5], rendu une décennie plus tard, la Cour réitère qu’il existe une obligation d’accommoder les personnes ayant une déficience à moins qu’il n’y ait un motif justifiant de ne pas le faire :


[121] La notion d’accommodement raisonnable reconnaît que les personnes ayant une déficience ont le même droit d’accès que celles n’ayant pas de déficience, et impose à autrui l’obligation de faire tout ce qui est raisonnablement possible pour tenir compte de ce droit. L’obstacle discriminatoire doit être éliminé, sauf s’il existe un motif justifiable de le maintenir, lequel peut être établi en prouvant que l’accommodement impose au fournisseur de services une contrainte excessive […]


Afin de démontrer que son comportement discriminatoire a une justification réelle et raisonnable, la partie défenderesse doit dès lors prouver, par prépondérance de preuve, que la mesure discriminatoire dont elle est l’auteure était rationnellement liée à la poursuite d’objectifs légitimes et, également, qu’elle était raisonnablement nécessaire à l’atteinte de ces objectifs en ce qu’il était impossible pour elle de composer avec les personnes ayant les mêmes caractéristiques que le plaignant sans subir de contrainte excessive[6].


Elle doit ainsi démontrer qu’elle est incapable de composer avec les caractéristiques du groupe dont fait partie la personne visée, notamment en raison d’un risque grave ou d’un coût exorbitant associé à la mise en place de l’accommodement. En d’autres termes, l’absence de mesures d’accommodement ne peut se justifier que si leur mise en place entraîne des risques excessifs ou des coûts excessifs[7].


Ces enseignements exigent donc que le prestataire de services s’informe et obtienne les renseignements nécessaires au sujet de la condition de la personne et qu’il en fasse une analyse afin de déterminer s’il peut mettre en œuvre, sans contrainte excessive, les mesures d’accommodement qui s’imposent, le cas échéant[8].


La jurisprudence canadienne, dans un contexte de droit criminel, a par ailleurs reconnu que les agents de police ont, dans leurs rapports avec le public, une obligation d’accommodement envers les personnes vulnérables, que ce soit en matière de langue ou de handicap physique ou mental. Dans les affaires R. v. Oliva Baca (accusé parlant espagnol), R. v. D.A.(accusé ayant une déficience intellectuelle) et R. v. Moonie[9] (accusé paraplégique), les tribunaux ont exclu des éléments de preuve en vertu de l’alinéa 24(2) de la Charte canadienne, ayant conclu que les policiers avaient connaissance ou auraient dû avoir connaissance de la vulnérabilité de l’accusé et avaient failli à leur obligation de l’accommoder[10].


Il ressort de cette revue des jugements rendus ailleurs au Canada que, dans le cadre d’une intervention policière visant une personne vulnérable, il est nécessaire d’adopter une approche personnalisée qui reconnaît l’identité singulière de cette personne, et non de se fonder sur des idées préconçues, des suppositions ou des stéréotypes. Toutefois, l’obligation d’accommodement n’étant pas absolue, elle doit s’apprécier en fonction de toutes les particularités du contexte de l’intervention, et notamment l’urgence de la situation ou encore le risque réel de dangerosité de l’individu[11].

_____________________


[1] Université de la Colombie‑Britannique c. Berg, 1993 CanLII 89 (CSC), [1993] 2 R.C.S. 353, p. 438 (Berg); Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. 142006 Canada inc. (Caverne Grecque), 2012 QCTDP 14, par. 47 (Caverne Grecque).


[2] Commission scolaire régionale de Chambly c. Bergevin, 1994 CanLII 102 (CSC), [1994] 2 RCS 525, p. 544.


[3] Andrews c. Law Society of British Columbia, 1989 CanLII 2 (CSC), [1989] 1 RCS 143, p. 169.


[4] Eldridge c. Colombie-Britannique (Procureur général), 1997 CanLII 327 (CSC), [1997] 3 RCS 624, par. 79.


[5] Conseil des Canadiens avec déficiences c. VIA Rail Canada Inc., 2007 CSC 15.


[6] Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie-Britannique (Council of Human Rights), 1999 CanLII 646 (CSC), [1999] 3 RCS 868, par. 19 (Grismer); Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. B.C.G.S.E.U., 1999 CanLII 652 (CSC), [1999] 3 RCS 3, par. 54 (Meiorin); Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. 9185-2152 Québec inc. (Radio Lounge Brossard), 2015 QCCA 577, par. 45; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Centre à la petite enfance Gros Bec, 2008 QCTDP 14, par. 109 (Gros Bec); Caverne Grecque, préc., note 142, par. 56.


[7] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. 9185-2152 Québec inc. (Radio Lounge Brossard), id., par. 45, référant à Hydro-Québec c. Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, section locale 2000 (SCFP-FTQ), 2008 CSC 43.


[8] Harnois c. Cité Joie inc., 2017 QCCQ 5953, par. 73 et 78.


[9] R. v. Oliva Baca, 2009 ONCJ 194; R. v. D.A., 2015 ONCJ 679; R. v. Moonie, 2013 BCSC 1866.


[10] Notons par ailleurs que dans l’affaire R. v. Rutherford, 2017 ONCJ 220, par. 93 et 195-197, la Cour de justice de l’Ontario a reconnu que les policiers doivent, dans le cadre de leurs fonctions visant à s’assurer du respect et de l’application de lois provinciales et fédérales, respecter leur obligation d’accommodement envers les personnes handicapées afin de respecter le droit à l’égalité de ces dernières, protégé par l’article 15 de la Charte canadienne.


* Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Miller et autres) c. Ville de Montréal (Service de police de la Ville de Montréal) (SPVM), 2019 QCTDP 31 (CanLII).

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